Le 3eme colloque national organisé par le réseau des Groupes Régionaux d’Experts sur le Climat (GREC) s’est tenu fin janvier 2021.

Provence Alpilles vallon du renard

This article is part of the ISC’s Transform21 series, which features the latest resources from our network of scientists and change-makers to help inform the urgent transformations needed to achieve climate and biodiversity goals.

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Au cours des dernières décennies, de nombreuses canicules ont frappé la France, avec des effets graves sur la santé et sur l’environnement. Aussi, les vagues de chaleur deviennent de plus en plus fréquentes et intenses : des 43 épisodes de canicule observés entre 1947 et 2020, on en dénombre autant entre 2005 et 2020 qu’entre 1947 et 2005. Certains des lieux touristiques les plus connus sont concernés par une hausse du niveau de la mer et la fonte des glaciers et du permafrost menace les paysages et l’économie locale. Selon un rapport du Senat publié en mai 2019, en cas de poursuite des émissions globales de CO2 au rythme actuel, la France serait conduite dans une situation « alarmante » vers 2080.

Certes, le rapport en question date d’avant l’émergence de la COVID-19, qui a bouleversé les habitudes en France ainsi que dans d’autres pays, et qui a mené à une réduction des émissions mondiale de CO2 d’origine fossile – du moins à court terme. Il s’agit maintenant de trouver les moyens de transformer la baisse de 2020 en une tendance de long terme, et d’assurer sa réalisation d’une manière équitable

C’est dans ce cadre, que le 3ème colloque national organisé par le réseau des Groupes Régionaux d’Experts sur le Climat (GREC), parmi lesquels la structure d’intermédiation Sciences-Société Ouranos-AuRA, s’est tenu fin janvier 2021 sous le patronage du Comité National Français des Changements Globaux (CNFCG). Le thème choisi était ciblé sur « Adaptation, atténuation, actions climatiques dans les territoires ».

Dans le contexte de la COVID-19, ce troisième colloque (après Marseille en 2018 et Bordeaux en 2017) s’est tenu en ligne pour la première fois. Mais lors d’une discussion après l’évènement, Sandrine Anquetin et Céline Lutoff, animatrices de la structure Ouranos AURA et membres du comité d’organisation, expliquent que le nouveau format virtuel a facilité la participation des chercheurs éloignés géographiquement, par exemple les représentants du Groupe d’Experts sur le Climat en Guadeloupe ou les membres du consortium Ouranos Québec.

Les Groupes Régionaux d’Experts sur le Climat existent dans plusieurs régions de France pour partager les connaissances scientifiques sur les changements climatiques dans chaque région, et pour se rapprocher des décideurs afin de mieux intégrer les connaissances scientifiques dans la conception des politiques régionales et locales. Les différentes régions de France sont diverses en termes de climat et de paysage, des glaciers alpins aux dunes du littoral atlantique, en passant  par les paysages urbains, industriels et agricoles ; le pays est donc confronté à des conséquences du changement climatique très variées au niveau régional.

En plus de rassembler des chercheurs en provenance de la France métropolitaine et des départements d’outre-mer, le colloque était également une opportunité de réunir les acteurs des territoires qui font face au changement climatiquement quotidiennement. Les organisateurs ont observé qu’il y avait une participation équilibrée entre les chercheurs et les acteurs du territoire, ce qui a favorisé des discussions engagées sur les moyens pour des deux groupes de coopérer efficacement.

Il y a une réelle attente de la part des acteurs des territoires sur la possibilité de travailler ensemble pour engager des actions, explique Céline Lutoff :

“Ils sont nombreux à être prêts pour agir sur leurs territoires ; savoir s’il faut commencer par l’atténuation ou par l’adaptation a alors peu d’importance ; l’essentiel réside dans les moyens et la manière d’avancer, pour aller dans la bonne direction. Ces réflexions ont permis d’ouvrir des perspectives vers les problématiques qui se posent concrètement dans les territoires »

Pour les personnes qui sont en première ligne face au changement climatique, l’éventuelle autre dichotomie entre une politique sur la biodiversité et une politique climatique n’a pas vraiment de raison d’être, explique Wolfgang Cramer, co-président du CNFCG. Par exemple, dans les Alpes, la période d’enneigement tend à se raccourcir, et l’été est plus chaud, ce qui entraine une modification de la végétation alpine, impactant ainsi les ressources alimentaires de la faune de ces régions, ainsi que les services écosystémiques telles que l’enracinement des sols qui limite l’érosion et régule le drainage. Les acteurs locaux ont bien compris que des mesures contre le changement climatique peuvent également bénéficier à la biodiversité et à l’agriculture locale, explique Wolfgang Cramer.

Les discussions lors du colloque ont démontré l’importance de renforcer les liens entre les chercheurs et les acteurs du terrain en charge de la mise en œuvre des actions d’adaptation et d’atténuation.

« Au cours de ce colloque, j’ai ressenti une attente forte en termes d’accompagnement de la part des acteurs des territoires ; ils ont conscience qu’il va falloir changer des choses et qu’il va falloir faire autrement, mais ils ont besoin d’aide pour aller dans ce sens » explique Céline Lutoff.

Le besoin de maintenir ces interactions sur le long terme constitue un réel enjeu pour les chercheurs qui travaillent avec des acteurs du terrain, constate Sandrine Anquetin : 

«  Les territoires sont confrontés tous les jours à ces questions, il faut donc être capable de maintenir une présence quotidienne. C’est là tout l’enjeu des GRECs ; en effet, les chercheurs travaille avec les acteurs des territoires à travers des projets, qui ont, par nature un début et une fin. Au cours du projet, les acteurs des territoires sont très sollicités et le travail est mené dans un cadre d’interactions très rapprochées, puis le projet se termine et l’effervescence retombe. Pour nous les scientifiques, nous pouvons alors mener un autre projet, éventuellement sur un autre territoire, mais pour les acteurs c’est leur quotidien et leur réalité qui se poursuit. Il est donc nécessaire que la communauté académique soit en capacité de répondre à ces besoins. C’est, entre autres, une des missions des GRECs de combler ce fossé entre le fonctionnement de la science et actions sur les territoires. »

Même s’il n’y a pas toujours une solution immédiate, ce genre de projet collaboratif peut être très enrichissant, explique Sandrine Anquetin :

« La recherche de solutions locales doit être co-construites. C’est chronophage mais c’est passionnant, parce que, collectivement et dans une démarche de partage de savoirs académiques et non académiques, on ouvre de nouvelles pistes face à des besoins réels. »

Pour donner suite au colloque, des notes de synthèses, en cours d’élaboration, seront mises en ligne dans les prochains mois. Le CNFCG et le réseau des GRECs continuent à réfléchir sur la meilleure manière de transformer les échanges et connaissances développées lors du colloque pour créer un engagement sur le long terme.

Un point principal qui ressort du colloque concerne la nécessité d’améliorer la communication, y compris en trouvant de nouvelles approches qui dépassent la communication traditionnelle et unidirectionnelle afin d’inspirer de nouveaux publics. Les échanges numériques ont permis aux participants du colloque de tester des approches innovantes, par exemple le jeu interactif « ça chauffe dans les Alpes » développé par Pascal Servet qui permet à un groupe acteurs, dans un jeu de rôle, d’imaginer ensemble l’avenir d’un territoire commun, et de trouver des solutions à des problèmes liés au changement climatique.

Il est d’autant plus important de trouver des moyens pour sensibiliser de nouveaux publics quand on considère que certaines personnes – et surtout les plus jeunes générations – ressentent une angoisse écologique qui peut mener à une sorte de paralysie, explique Céline Lutoff[1]. Plusieurs participants du colloque ont noté qu’ils avaient remarqué ce genre d’inquiétude qui mène à l’inaction lors de leurs interactions. Pour affronter ce problème au niveau local, les acteurs réunis ont évoqué l’utilité de la participation des artistes et des approches créatives qui peuvent encourager l’imagination et stimuler la réflexion pour ensuite agir.

Pour avancer vers plus d’action sur le climat, un enjeu majeur des années qui viennent est de inventer ensemble l’histoire du futur capable d’inspirer, explique Sandrine Anquetin[2]. Comme un participant au colloque l’a expliqué lors du colloque, il est temps d’écrire collectivement un nouveau récit pour dessiner ensemble notre avenir : un avenir bâti sur les contributions de nombreux acteurs et chercheurs, sur la diversité des connaissances et des capacités nécessaires pour créer un changement durable .


[1] Clayton, S. (2020). Climate anxiety: Psychological responses to climate change. Journal of Anxiety Disorders, 74, 102263. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32623280/

[2] Harris, D. M. (2017). Telling the story of climate change: Geologic imagination, praxis, and policy. Energy research & social science, 31, 179-183. https://doi.org/10.1016/j.erss.2017.05.027


Image par Jean-Michel SACHOT de Pixabay.

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