Financer et réaliser l’interdisciplinarité pour l’action climatique et la transition numérique

Science Europe a publié une étude sur « La recherche interdisciplinaire pour la transition verte et numérique ». Cette étude basée sur une enquête, publiée en novembre 2022, cartographie les expériences existantes des membres de Science Europe, c'est-à-dire les organisations nationales européennes de financement et d'exécution de la recherche, et propose des recommandations pour renforcer, développer et améliorer la manière dont la recherche inter/trans/interdisciplinaire peut contribuer à relever les défis de la crise climatique et de la numérisation. Cet article présente une conversation avec les auteurs sur leurs principales conclusions.

Financer et réaliser l’interdisciplinarité pour l’action climatique et la transition numérique

Qu'y a-t-il de nouveau dans votre rapport ?

Notre étude prouve que la recherche interdisciplinaire, quelle que soit la définition que nous lui donnons, existe largement au sein des organisations membres de Science Europe. Le rapport présente des définitions, des exemples et des raisons pour choisir une approche interdisciplinaire lorsque la recherche souhaite s'intéresser au changement climatique et à la numérisation.

Le débat sur l’interdisciplinarité n’est pas nouveau ; c'est une réflexion de longue date sur la manière dont les activités de recherche scientifique sont organisées et menées, comme expliqué dans le document de discussion de l'ISC Center for Science Futures. Notre objectif est fournir des expériences concrètes de recherche interdisciplinaire émanant à la fois de bailleurs de fonds et d'acteurs de la recherche ayant un intérêt particulier pour la recherche portant sur la transition verte et numérique. Nous nous sommes concentrés sur les membres de Science Europe, mais nous sommes conscients que de nombreux autres organismes de recherche partagent des expériences similaires. En nous concentrant sur la transition verte et numérique, nous démontrons les efforts continus pour aborder un domaine politique et de recherche nouveau et en évolution rapide.

Procédons dans l'ordre : Comment définissez-vous la recherche inter/trans/interdisciplinaire ?

La réponse à cette question est très complexe. Conscient des débats philosophiques complexes soulevés dans le Papier central, nous avons décidé de demander à nos organisations membres leurs définitions. La réponse fondamentale est que si nous voulons promouvoir l’interdisciplinarité, nous devons éviter les définitions strictes et formalisées. Les disciplines scientifiques évoluent constamment et n'ont pas de frontières fixes. Ainsi, une approche ouverte de l’interdisciplinarité pourrait mobiliser de multiples approches, théories et méthodologies. Il est important d’encourager ces processus.

Les lecteurs trouveront plus de définitions dans le lien, abordant également les différences entre inter-/trans-/cross-/multi-disciplinarité. Nous en avons choisi ici un synthétique, mais efficace.

 La recherche interdisciplinaire […] fait référence à la recherche dépassant les frontières disciplinaires. Afin d’atteindre les objectifs de recherche pertinents, il est nécessaire de combiner des éléments (théories, méthodes, concepts, etc.) issus de deux ou plusieurs disciplines. Une importance similaire est accordée à toutes les disciplines concernées.

Source: FNS, Suisse.

J'aime cette ouverture. Maintenant, je suis curieux de connaître la deuxième partie de votre titre : pourquoi la transition verte et numérique ?

Le changement climatique et la numérisation sont deux des défis sociétaux les plus urgents auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui. Surtout dans le cas de la crise climatique, la science joue un rôle fondamental dans l’analyse et l’interprétation des changements de notre climat, de notre environnement et de notre biodiversité, ainsi que dans la manière dont ces questions sont liées aux activités humaines. Les travaux réalisés par le GIEC constituent la première référence. Pourtant, derrière le GIEC se cache la mobilisation des communautés de recherche à tous les niveaux. La numérisation est un défi sociétal plus récent. Néanmoins, il est clair pour tout le monde que les ordinateurs, Internet et l’intelligence artificielle ont un impact énorme sur nos sociétés. Actuellement, nous discutons beaucoup de ChatGPT et nous pouvons supposer que la numérisation et l’intelligence artificielle auront un impact fondamental sur notre vie quotidienne.

Une approche unique et monodisciplinaire ne peut pas relever ces défis. Pour comprendre le changement climatique, nous devons étudier le système climatique, mais aussi ses interconnexions avec la biodiversité, l’économie, ainsi que nos sociétés et cultures. De même, la révolution numérique ne peut se limiter à l’informatique ; nous devons également mobiliser les sciences de la communication et la psychologie, en combinant logiciels et matériels, etc. La communauté de la recherche connaît cette complexité et les organismes de recherche mènent et réagissent en même temps à cette révolution.

Dans le rapport, vous trouverez une longue section de ce à quoi nous faisons référence lorsque nous parlons de transition verte et numérique, de l'eau, de l'énergie et des écosystèmes à l'alimentation, aux superordinateurs et à l'interaction entre la santé et la numérisation. Ces sujets sont associés aux instruments de financement et aux plateformes de recherche dont disposent nos membres à travers l’Europe.

Merci. Je vois que le rapport contient une longue liste d'exemples divisés par bailleurs de fonds et exécutants de la recherche. Quels sont les principaux défis ?

Il existe différents défis pour le financement de la recherche et les organisations performantes.

Pour les financeurs de la recherche, la principale difficulté à surmonter est la mobilisation de groupes de recherche qui n’ont pas l’habitude de travailler ensemble. Les instruments de financement suivent le même cadre que les « appels disciplinaires » pour faciliter les candidatures. Pourtant, développer une excellente proposition de recherche inter/transdisciplinaire est une tâche exigeante. Les points soulevés dans le Document du Centre pour l'avenir des sciences de l'ISC souligne très bien ce défi, et nous sommes heureux de montrer que les membres de Science Europe expérimentent de nouvelles pratiques, réfléchissent à leur fonctionnement et s'engagent dans le défi de l'inter-/transdisciplinarité.

Nos organismes de recherche ont développé de nombreuses plateformes pour faciliter les interactions entre les unités de recherche, en interne ou avec des partenaires externes. Les principales limites proviennent des carrières de recherche qui reposent encore sur des parcours monodisciplinaires et, en général, de la manière dont les activités de recherche sont évaluées. À cet égard, la Coalition for Advancing Research Assessment (Coalition for Advancing Research Assessment) récemment lancée (COARA) pointe dans la bonne direction. Le Papier central a souligné l'importance du « processus » scientifique, et celui-ci est d'une importance capitale.

Quel est votre dernier message ?

Nous en avons deux, un sur les leçons apprises et un sur les conseils. La leçon à retenir est qu’il existe de nombreuses expériences de recherche interdisciplinaires, tant parmi les bailleurs de fonds que parmi les chercheurs. Ces expériences visent à expérimenter de nouvelles formes de recherche. Le premier mot clé est donc « expérimentation ». Tandis que les chercheurs expérimentent dans leurs laboratoires, les organismes de recherche expérimentent également avec leurs instruments de financement et leurs plateformes interdisciplinaires. C’est un élément important de la manière dont la science peut progresser.

Deuxièmement, nous devons intensifier ces expériences. La crise climatique et la numérisation nécessitent une action immédiate et urgente. La recherche scientifique doit jouer son rôle.

Nous devons continuer à expérimenter de nouvelles façons de faire de la recherche et intensifier les activités inter/transdisciplinaires déjà en place.

 

Le rapport est disponible en utilisant ce lien. Pour plus d'informations, contactez le Dr Nicola Francesco Dotti (Science Europe), Nicola.Dotti@ScienceEurope.org

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