Formation à la transdisciplinarité

Ceci est un extrait du rapport « Regard sur l’avenir de la recherche transdisciplinaire » (2023).

Formation à la transdisciplinarité

Que pourraient faire les universités ?

Premièrement, les universités doivent s’intéresser à leurs propres systèmes de gestion et cesser d’utiliser à mauvais escient des paramètres et des structures qui découragent la recherche transdisciplinaire et d’autres formes d’activités interdisciplinaires. En Europe, il peut être utile de rappeler les cinq compétences de base de l'enseignement supérieur, également appelées les descripteurs de Dublin du processus de Bologne (Cadre des qualifications de l'espace européen de l'enseignement supérieur 2005) : connaissance et compréhension, appliquer les connaissances et la compréhension, émettre des jugements, communication, apprentissage des compétences (cf. Kehm 2010). Ensemble, ces éléments devraient constituer de bons points d’entrée pour une formation transdisciplinaire.

Indépendamment du fait qu'un étudiant envisage une orientation disciplinaire ou plus large à long terme, la formation de premier cycle doit exposer les étudiants à un large éventail d'épistémologies et de méthodologies correspondantes : les comparer, les contraster et les critiquer. Par exemple, tous les étudiants en sciences doivent connaître l’éthique, la philosophie des sciences et les relations entre la science et la société (systémique et historique). De même, tous les étudiants en sciences humaines doivent comprendre les processus scientifiques, posséder des connaissances scientifiques de base et comprendre certains concepts et hypothèses de base (par exemple, statistiques, évolution, durabilité). Une autre possibilité serait que les étudiants aient la possibilité d'explorer, dans le cadre d'un cours au choix (à travers et au sein de l'université, éventuellement au-delà), un problème qu'ils considèrent comme important et motivant, de préférence dans un environnement d'équipe. L'Université de Bergen tente d'y parvenir grâce au cours optionnel interfacultaire de premier cycle « Danningsemner » (comparable au terme allemand « Bildung ») sur divers thèmes et via le programme de master interfacultaire de 2 ans sur la durabilité. D’autres universités, comme l’Université Leuphana de Lunebourg en Allemagne ou l’ETH de Zurich en Suisse, proposent des formations interdisciplinaires similaires. Le programme « Future Africa » de l'Université de Pretoria vise à former les étudiants à des compétences transdisciplinaires.

La recherche de l’équilibre entre la formation disciplinaire et la formation plus large est un débat permanent dans de nombreuses institutions. De toute évidence, de nombreux étudiants se lanceront dans des carrières fondées sur la profondeur disciplinaire, mais les dimensions plus larges évoquées ci-dessus resteront utiles. Une certaine profondeur disciplinaire est nécessaire même pour ceux qui recherchent une carrière plus large. La diversité des approches émergentes devrait elle-même faire l’objet de recherche et d’évaluation.

Les universités innovantes adoptant une approche transdisciplinaire commenceraient probablement à accueillir un petit groupe d’étudiants de grande qualité dotés de capacités de réflexion intégrative et à les former, au niveau supérieur du premier cycle, à la pensée transdisciplinaire. Cette formation impliquerait probablement un enseignement basé sur des problèmes et un travail de projet (Budwig et Alexander 2020).

Au niveau des cycles supérieurs, les diplômes supérieurs fondés sur la transdisciplinarité devraient être soutenus. Cependant, la formation transdisciplinaire supérieure nécessite des centres/instituts à l’échelle de l’université (qui ne sont pas dirigés par des professeurs, sauf peut-être pour l’organisation administrative) dotés de compétences transdisciplinaires pour définir des projets et des superviseurs à travers l’université aptes à dispenser la formation. Cela ne peut être réalisé sans des politiques à l’échelle de l’université encourageant les facultés à collaborer sur de telles questions, ainsi que des systèmes administratifs, notamment financiers, conçus pour les aider. Cette activité est bien distincte de celle d’une activité postuniversitaire régulière. Les étudiants qui entreprennent de tels diplômes nécessitent un mentorat continu et des cours distincts de ceux de la formation standard de doctorat/maîtrise. Ils ont besoin de s'impliquer dans différents types de séminaires et de discussions, d'être exposés aux décideurs politiques, d'être exposés à la pensée scientifique post-normale et de se concentrer sur le cadrage transdisciplinaire tout au long de leur formation. Les professeurs impliqués doivent avoir un engagement en faveur de la transdisciplinarité, dans le cadre de leurs propres activités de recherche. Encore une fois, cette innovation nécessite une unité centrale d'expertise transdisciplinaire pour évaluer la qualité et travailler avec les professeurs pour atteindre ces objectifs. Ce type de mentorat engagé et soutenu est

important dans un environnement universitaire international qui accorde encore des récompenses basées sur le mérite lié à la discipline.

La transdisciplinarité relève autant (sinon davantage) de la formation en mode apprentissage que de la recherche. L’enseignement transdisciplinaire se distingue par la manière dont il est dispensé, car il doit être largement axé sur des problèmes. L’exploitation de la transdisciplinarité comme outil de recherche ne limitera ni ne désavantagera les étudiants diplômés concernés.

Une stratégie utilisée par certaines universités (par exemple l'Université de la Colombie-Britannique) consiste à organiser chaque année un concours interne pour que quelques membres du corps professoral soient détachés dans un tel centre afin d'acquérir de l'expérience dans la réflexion et l'application de la transdisciplinarité. Ces récompenses sont considérées comme très prestigieuses. Au niveau le plus avancé, des centres comme le Santa Fe Institute démontrent le prestige que l'on peut acquérir. Une évaluation plus approfondie des différents modèles développés dans le monde serait utile. Cela devrait en effet stimuler une coopération internationale plus étroite entre les universités, en partageant des expériences et de nouvelles idées pour favoriser la transdisciplinarité.

Il est important de noter que, dans la mesure où la transdisciplinarité exige que différents groupes d’universitaires et de parties prenantes, qui ont a priori des bases de connaissances, des langages, des préjugés, des visions du monde et des cadres différents, se réunissent, il est absolument nécessaire qu’il y ait une volonté de s’engager dans des projets complexes, difficiles et conversations difficiles (Gethmann et al., 2015). Le respect, la courtoisie et le fait d’éviter l’exclusion de voix valables sont essentiels. Malheureusement, certaines tendances dans le monde universitaire rendent cette tâche beaucoup plus difficile.

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